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Correspondance, 1812-1876. Tome 1

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Correspondance, 1812-1876. Tome 1
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I
A MADAME MAURICE DUPIN1 QUI ALLAIT QUITTER NOHANT2

1812.

Que j'ai de regret de ne pouvoir te dire adieu! Tu vois combien j'ai de chagrin de te quitter. Adieu pense à moi, et sois sûre que je ne t'oublierai point.

Ta fille.

Tu mettras la réponse derrière le portrait du vieux Dupin3.

II
A LA MÊME, A PARIS

Nohant, 24 février 1815

Oh! oui, chère maman, je t'embrasse; je t'attends, je te désire et je meurs d'impatience de te voir ici. Mon Dieu, comme tu es inquiète de moi! Rassure-toi, chère petite maman. Je me porte à merveille. Je profite du beau temps. Je me promène, je cours, je vas, je viens, je m'amuse, je mange bien, dors mieux et pense à toi plus encore.

Adieu, chère maman; ne sois donc point inquiète. Je t'embrasse de tout mon coeur.

AURORE4.

III
A.M. CARON, A PARIS

Nohant, 21 novembre 1823.

J'ai reçu votre envoi, mon petit Caron, et je vous remercie de votre extrême obligeance. Toutes mes commissions sont faites le mieux du monde, et vous êtes gentil comme le père Latreille5.

Vous m'avez envoyé assez de guimauve pour faire pousser deux millions de dents; comme j'espère que mon héritier6 n'en aura pas tout à fait autant, j'ai fait deux bouteilles de sirop dont vous vous lécherez les barbes si vous vous dépêchez de venir à Nohant; car mon petit n'est pas disposer à vous en laisser beaucoup. Au reste, votre envoi a fait bon effet, puisque nous avons deux grandes dents. Vous seriez amoureux de lui maintenant: il est beau comme vous, et leste comme son père. J'aimerais autant tenir une grenouille, elle ne sauterait pas mieux.

Adieu, mon petit père. Nous vous embrassons et sommes vos bons amis.

LES DEUX CASIMIRS7.

IV
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS

Je ne sais pas la date. Nous sommes le deuxième dimanche de carême8.


Je suis enchantée d'apprendre que vous vous portiez mieux, chère petite maman, et j'espère bien qu'à l'heure où j'écris, vous êtes tout à fait guérie; du moins je le désire de tout mon coeur, et, si je le pouvais, je vous rendrais vos quinze ans, chose qui vous, ferait grand plaisir, ainsi qu'à bien d'autres.

C'est un grand embarras que vous avez pris de sevrer un gros garçon comme Oscar9, et vous avez rendu à Caroline10 un vrai service de mère. Le mien n'a plus besoin de nourrice, il est sevré. C'est peut-être un peu tôt; mais il préfère la soupe et l'eau et le vin à tout, et, comme il ne cherche pas à teter, mon lait a diminué, sans que ni lui ni moi nous en apercevions.

Il est superbe de graisse et de fraîcheur il a des couleurs très vives, l'air très décidé, et le caractère idem. Il n'a toujours que six dents; mais il s'en sert bien pour manger du pain, des oeufs, de la galette, de la viande, enfin tout ce qu'il peut attraper. Il mord, comme un petit chien, les mains qui, l'ennuient en voulant le coiffer, etc. Il pose très bien ses pieds pour marcher, mais il est encore trop jeune pour courir après Oscar: dans un an ou deux, ils se battront pour leurs joujoux.

J'espère, ma chère maman, que le désir que vous me témoignez de nous revoir, et que nous partageons, sera bientôt rempli. Nous espérons faire une petite fugue vers Pâques, pour présenter M. Maurice à son grand-papa, qui ne le connaît pas encore et qui désire bien le voir, comme vous pensez. Je veux lui faire une surprise. Je ne lui parlerai de rien dans mes lettres et je lui enverrai Maurice sans dire qui il est. Nous, nous serons derrière la porte pour jouir de son erreur. Mais j'ai tort de vous dire cela, car je veux vous en faire autant. Ainsi n'attendez pas que je vous prévienne de mon arrivée.

Adieu, ma chère maman; donnez-moi encore de vos nouvelles. Je vous embrasse de tout mon coeur, Casimir en fait autant; pour Maurice, quand on veut l'embrasser, il tourne la tête et présente son derrière; j'espère que vous le corrigerez de cette mauvaise habitude.

V
A LA MÊME

Nohant, 29 juin 1825.

Vous devez me trouver bien paresseuse, ma chère petite maman, et je le suis en effet. Je mène une vie si active, que je ne me sens le courage de rien, le soir en rentrant, et que je m'endors aussitôt que je reste un instant en place.

Ce sont là de bien mauvaises raisons, j'en conviens; mais, du moment que nous sommes tous bien portants, quelles nouvelles à vous donner de notre tranquille pays, où nous vivons en gens plus tranquilles encore; voyant pen de personnes et nous occupant de soins champêtres, dont la description ne vous amuserait guère? J'ai reçu des nouvelles de Clotilde11, qui m'a dit que vous vous portiez bien; c'est ce qui me rassurait sur votre compte et contribuait à mon silence puisque j'étais sans inquiétude.

Si vous eussiez effectué le projet de venir à Nohant, nous aurions dans ce moment le chagrin de vous quitter. Je pars dans huit jours pour les Pyrénées. J'ai eu le bonheur d'avoir ici pendant quelques jours, deux aimables soeurs, mes amies intimes de couvent, qui se rendent aux mêmes eaux, avec leur père, et un vieil ami fort gai et fort aimable. En quittant Chateauroux, elles n'ont pu se dispenser de venir passer quelques jours à Nohant, qui était devenu pour moi un lieu de délices par la présence de ces bonnes amies. Je les ai reconduites un bout de chemin et ne les ai quittées qu'avec la promesse de les rejoindre bientôt.

Nous allons donc entreprendre un petit voyage de cent quarante lieues d'une traite. C'est peu pour vous qui faites le voyage d'Espagne comme celui de Vincennes; mais c'est beaucoup pour Maurice, qui aura demain deux ans. J'espère néanmoins qu'il ne s'en apercevra pas, à en juger par celui de Nohant, qu'il trouve trop court à son gré. D'ailleurs, nous ne voyagerons que le jour et en poste. Nous sommes donc dans l'horreur des paquets. Nous emmenons Fanchou12, et Vincent13, qui est fou de joie de voyager sur le siège de la voiture. Pour moi, je suis enchantée de revoir les Pyrénées, dont je ne me souviens guère, mais dont on me fait de si belles descriptions. Ne manquez pas de nous donner de vos nouvelles: car il semble qu'on soit plus inquiet quand on est plus éloigné.

 

Adieu, ma chère maman, je vous embrasse tendrement et vous désire une bonne santé et du plaisir surtout; car, chez vous comme chez moi, l'un ne va guère sans l'autre. Maurice est grand comme père et mère et beau, comme un Amour. Casimir vous embrasse de tout son coeur. Pour moi, je me porte très bien, sauf un reste de toux et de crachement de sang qui passeront, j'espère, avec les eaux.

Nous resterons deux mois au plus aux eaux; de là, nous irons à Nérac chez le papa14, où nous demeurerons tout l'hiver. Au mois de mars ou d'avril, nous serons à Nohant, où nous vous attendrons avec ma tante et Clotilde.

VI
A LA MÊME

Bagnères, 28 août 1825.

Ma chère petite maman,

J'ai reçu votre aimable lettre à Cauterets, et je n'ai pu y répondre tout de suite pour mille raisons. La première, c'est que Maurice venait d'être sérieusement malade, ce qui m'avait donné beaucoup d'inquiétude et d'embarras.

Il est parfaitement guéri depuis quelques jours que nous sommes ici et que nous avons retrouvé le soleil et la chaleur. Il a repris tout à fait appétit, sommeil, gaieté et embonpoint. Aussitôt qu'il a été hors de danger, j'ai profité de sa convalescence pour courir les montagnes de Cauterets et de Saint-Sauveur, que je n'avais pas eu le temps de voir. Je n'ai donc pas eu une journée à moi pour écrire à qui que ce soit; tout le monde m'en veut et je m'en veux à moi-même. Mais, après avoir fait, presque tous les jours, des courses de huit, dix, douze et quatorze lieues à cheval, j'étais tellement fatiguée, que je ne songeais qu'à dormir, encore quand Maurice me le permettait. Aussi j'ai été fort souffrante de la poitrine, et j'ai eu des toux épouvantables; mais je ne me suis point arrêtée à ces misères, et, en continuant des exercices violents, j'ai retrouvé ma santé et un appétit qui effraye nos compagnons de voyage les plus voraces.

Je suis dans un tel enthousiasme des Pyrénées, que je ne vais plus rêver et parler, toute ma vie, que montagnes, torrents, grottes et précipices. Vous connaissez ce beau pays, mais pas si bien que moi, j'en suis sûre; car beaucoup des merveilles que j'ai vues, sont enfouies dans des chaînes de montagnes où les voitures et même les chevaux n'ont jamais pu pénétrer. Il faut marcher à pic des heures entières dans des gravats qui s'écroulent à tout instant, et sur des roches aiguës où on laisse ses souliers et partie de ses pieds.

À Cauterets, on a une manière de gravir les rochers fort commode. Deux hommes vous portent sur une chaise attachée à un brancard, et sautent ainsi de roche en roche au-dessus de précipices sans fond, avec une adresse, un aplomb et une promptitude qui vous rassurent pleinement et vous font braver tous les dangers; mais, comme ils sentent le bouc d'une lieue et que très souvent on meurt de froid après une ou deux heures de l'après-midi, surtout au haut dés montagnes, j'aimais mieux marcher. Je sautais comme eux d'une pierre à l'autre, tombant souvent et me meurtrissant les jambes, riant quand même de mes désastres et de ma maladresse.

Au reste, je ne suis pas la seule femme qui fasse des actes de courage. Il semble que le séjour des Pyrénées inspire dé l'audace aux plus timides, car les compagnes de mes expéditions en faisaient autant. Nous avons été à la fameuse cascade de Gavarnie, qui est la merveille des Pyrénées. Elle tombe d'un rocher de douze cents toises de haut, taillé à pic comme une muraille. Près de la cascade, on voit un pont de neige, qu'à moins de toucher, on ne peut croire l'ouvrage de la nature; l'arche, qui a dix ou douze pieds de haut, est parfaitement faite et on croit voir des coups de truelle sur du plâtre.

Plusieurs des personnes qui étaient avec nous, (car on est toujours fort nombreux dans ces excursions) s'en sont, retournées, convaincues qu'elles, venaient de voir un ouvrage de maçonnerie. Pour arriver à ce prodige, et pour en revenir, nous avons fait douze lieues à cheval sur un sentier de trois pieds de large, au bord d'un précipice qu'en certains endroits on appelle l'échelle, et dont on ne voit, pas le fond. Ce n'est pourtant pas là ce qu'il y a de plus dangereux; car les chevaux y sont accoutumés et passent à une ligne du bord, sans broncher. Ce qui m'étonne bien davantage dans ces chevaux de montagne, c'est leur aplomb sur des escaliers de rochers qui ne présentent à leurs pieds que des pointes tranchantes et polies.

J'en avais un fort laid, comme ils le sont tous, mais à qui j'ai fait faire des choses qu'on n'exigerait que d'une chèvre: galopant toujours dans les endroits les plus effrayants, sans glisser, ni faire un seul faux pas, et sautant de roche en roche en descendant. J'avoue que je ne supposais pas que cela fût possible et que je ne me serais jamais cru le courage de me fier à lui avant que j'eusse éprouvé ses moyens.

Nous avons été hier à six lieues d'ici à cheval, pour visiter les grottes de Lourdes. Nous sommes entrés à plat ventre dans celle du Loup. Quand on s'est bien fatigué pour arriver à un trou d'un pied de haut, qui ressemble à la retraite d'un blaireau, j'avoue; que l'on se sent un peu découragé. J'étais avec mon mari et deux autres jeunes gens avec qui nous nous étions liées à Cauterets et que nous avons retrouvés à Bagnères, ainsi qu'une grande partie de notre aimable et nombreuse société bordelaise. Nous avons eu le courage de nous enfoncer dans cette tanière, et, au bout d'une minute, nous nous sommes trouvés dans un endroit beaucoup plus spacieux, c'est-à-dire que nous pouvions nous tenir debout sans chapeau et que nos épaules n'étaient qu'un peu froissées à droite et à gauche.

Après avoir fait cent cinquante pas dans cette agréable position, tenant chacun une lumière et ôtant bottes et souliers, pour ne pas glisser sur le marbre mouillé et raboteux, nous sommes arrivés au puits naturel, que nous n'avons pas vu, malgré tous nos flambeaux, parce que le roc disparaît tout à coup sous les pieds, et l'on ne trouve plus qu'une grotte si obscure et si élevée, qu'on ne distingue ni le haut ni le fond.

Nos guides arrachèrent des roches avec beaucoup d'effort et les lancèrent dans l'obscurité; c'est alors que nous jugeâmes de la profondeur du gouffre: le bruit de la pierre frappant le roc fut comme un coup de canon, et, retombant dans l'eau comme un coup de tonnerre, y causa, une agitation épouvantable. Nous entendîmes pendant quatre minutes l'énorme masse d'eau ébranlée, frapper le roc avec une fureur et un bruit effrayant qu'on aurait pu prendre tantôt pour le travail de faux monnayeurs, tantôt pour les voix rauques et bruyantes des brigands. Ce bruit, qui part des entrailles de la terre, joint à l'obscurité et à tout ce que l'intérieur d'une caverne a de sinistre, aurait pu glacer des coeurs moins aguerris que les nôtres.

Mais nous avions joué à Gavarnie avec les crânes des templiers, nous avions passé sur le pont de neige quand nos guides nous criaient qu'il allait s'écrouler. La grotte du Loup n'était qu'un jeu d'enfant. Nous y passâmes près d'une heure, et nous revînmes chargés de fragments des pierres que nous avions lancées dans le gouffre. Ces pierres, que je vous montrerai, sont toutes remplies de parcelles de fer et de plomb qui brillent comme des paillettes.

En sortant de la grotte du Loup, nous entrâmes dans las Espeluches. Notre savant cousin, M. Defos15, vous dira que ce nom patois vient du latin.

Nous trouvâmes l'entrée de ces grottes admirable; j'étais seule en avant, je fus ravie de me trouver dans une salle magnifique soutenue par d'énormes masses de rochers qu'on aurait pris pour des piliers d'architecture gothique, le plus beau pays du monde, le torrent d'un bleu d'azur, les prairies d'un vert éclatant, un premier cercle de montagnes couvertes de bois épais, et un second, à l'horizon, d'un bleu tendre qui se confondait avec le ciel, toute cette belle nature éclairée par le soleil couchant, vue du haut d'une montagne, au travers de ces noires arcades de rochers, derrière moi la sombre ouverture des grottes: j'étais transportée.

Je parcourus ainsi deux ou trois de ces péristyles, communiquant les uns aux autres par des portiques cent fois plus imposants et plus majestueux que tout ce que feront les efforts des hommes.

Nos compagnons arrivèrent et nous nous enfonçâmes encore dans les détours d'un labyrinthe étroit et humide, nous aperçûmes au-dessus de nos têtes une salle magnifique, où notre guide ne se souciait guère de nous conduire. Nous le forçâmes de nous mener à ce second étage. Ces messieurs se déchaussèrent et grimpèrent assez adroitement; pour moi, j'entrepris l'escalade.

Je passai sans frayeur sur le taillant d'un marbre glissant, au-dessous duquel était une profonde excavation. Mais quand il fallut enjamber sur un trou que l'obscurité rendait très effrayant, n'ayant aucun appui ni pour mes pieds, ni pour mes mains, glissant de tous côtés, je sentis mon courage chanceler. Je riais, mais j'avoue que j'avais peur. Mon mari m'attacha deux ou trois foulards autour du corps et me soutint ainsi pendant que les autres me tiraient par les mains. Je ne sais ce que devinrent mes jambes pendant ce temps-là. Quand je fus en haut, je m'assurai que mes mains (dont je souffre encore) n'étaient pas restées dans les leurs, et je fus payée de mes efforts par l'admiration que j'éprouvai.

La descente ne fut pas moins périlleuse, et le guide nous dit, en sortant, qu'il avait depuis bien des années conduit des étrangers aux Espeluches, mais qu'aucune femme n'avait gravi le second étage. Nous nous amusâmes beaucoup à ses dépens en lui reprochant de ne pas balayer assez souvent les appartements dont il avait l'inspection.

Nous rentrâmes à Lourdes dans un état de saleté impossible à décrire; je remontai à cheval avec mon mari, et, nos jeunes gens prenant la route de Bordeaux, nous prîmes tous deux celle de Bagnères. Nous eûmes, pendant dix lieues, une pluie à verse et nous sommes rentrés ici à dix heures du soir, trempés jusqu'aux os et mourant de faim. Nous ne nous en portons que mieux aujourd'hui.

Nous sommes dans l'enchantement de deux chevaux arabes que nous avons achetés, et qui seront les plus beaux que l'on ait jamais vus au bois de Boulogne.

Voilà une lettre éternelle, ma chère maman; mais vous me demandez des détails et je vous obéis avec d'autant plus de plaisir que je cause avec vous. Clotilde m'en demande aussi; mais je n'ai guère le temps de lui écrire aujourd'hui, et demain recommencent mes courses. Veuillez l'embrasser pour moi, lui faire lire cette lettre si elle peut l'amuser, et lui dire que, dans huit à dix jours, je serai chez mon beau-père et j'aurai le loisir de lui écrire.

Adressez-moi donc de vos nouvelles chez lui, près de Nérac (Lot-et-Garonne). J'en attends avec impatience, je suis si loin, si loin de vous et de tous les miens! Adieu, ma chère maman. Maurice est gentil à croquer! Casimir se repose, dans ces courses dont je vous parle, de celles qu'il a faites sans moi à Cauterets; il a été à la chasse sur les plus hautes montagnes, il a tué des aigles, des perdrix blanches et des isards ou chamois, dont il vous fera voir les dépouilles; pour moi, je vous porte du cristal de roche. Je vous porterais du barège de Barèges même, s'il était un peu moins gros et moins laid.

 

Adieu, chère maman; je vous embrasse de tout mon coeur.

Veuillez, quand vous lui écrirez, embrasser mille fois ma soeur pour moi, lui dire que je suis bien loin de l'oublier; que cette lettre que je vous écris et une à mon frère sont les seules que j'aie eu le temps d'écrire aux Pyrénées, mais que, quand je serai à Guillery16 je lui écrirai tout de suite. Nous comptons y rester jusqu'au mois de janvier; de là, aller passer le carnaval à Bordeaux, et enfin retourner avec le printemps à Nohant, où nous vous attendrons avec ma tante.

VII
A LA MÊME

Nohant, 25 février 1826.

Ma chère maman,

J'ai bien du malheur! Je vais à Paris précisément à l'époque où tout le monde y est, et ma mauvaise étoile veut que je ne vous y trouve pas.

Je cours chez ma tante; pour y apprendre que vous êtes à Charleville. Je vous espère tous les jours, mais je n'ai signe de vie qu'à mon retour ici, où je trouve enfin une lettre de vous.

C'est une grande maladresse de ma part que d'aller, au bout de deux ans, passer quinze jours à Paris et de ne pas vous y rencontrer. Mais il y avait si longtemps que je n'avais reçu de vos nouvelles, que je vous croyais bien de retour chez vous. Caron même, chez qui nous avons demeuré, vous croyait sa voisine. Enfin, j'ai joué de malheur, et me voilà rentrée dans mon Berry, ne sachant plus quand j'en sortirai, ni quand j'aurai le bonheur de vous embrasser.

Ma santé, à laquelle vous avez la bonté de porter tant d'intérêt, est meilleure que la dernière fois que je vous écrivis; la preuve en est que j'ai eu la force de passer quatre nuits dans le courrier, tant pour aller que pour venir sans être malade, ni à l'arrivée, ni au retour. Sans ma mauvaise toux qui ne me laissait pas dormir, je me serais assez bien portée.

Merci mille fois de vos bons avis à cet égard; mais ne me grondez pas de ne pas les avoir suivis très exactement. Vous savez que je suis un peu incrédule, et puis un peu médecin moi-même, non par théorie, mais par pratique. Je n'ai jamais vu de remèdes efficaces aux maux de poitrine; la nature fait toutes les guérisons quand elle s'en mêle, et l'honneur en est à l'Esculape, qui ne s'en est pas mêlé. Je sais bien que ces messieurs n'en conviendront jamais. Comment un médecin avouerait-il sa nullité? ce ne serait pas adroit. S'ils faisaient, comme moi, la médecine gratis, ils seraient de bonne foi; peut-être encore l'amour-propre serait-il là pour les en empêcher.

Tant y a que, sans remède et sans docteur, sans me noyer l'estomac de boissons qui ne vont pas dans la poitrine, je ne tousse plus; c'est l'important. J'ai bien toujours des douleurs et par surcroît une fluxion de chaque côté du visage dans ce moment-ci. Mais le printemps, s'il veut se dépêcher de venir, mettra ordre aux affaires.

Je vous dirai, chère maman, que, si vous étiez venue passer le carnaval ici, vous ne vous seriez pas du tout ennuyée. Nous avons des bals charmants et nous passons des deux et trois nuits par semaine à danser. Ce n'est pas ce qui me repose, ni même ce qui m'amuse le mieux; mais il y a des obligations dans la vie qu'il faut prendre comme elles viennent. Dernièrement nous sommes sortis d'un bal chez madame Duvernet17 à neuf heures du matin. N'êtes-vous pas émerveillée d'une dissipation pareille? Aussi le jubilé, traversé par tant de fêtes, n'en finit-il pas. J'espère que, dans deux ou trois ans, nous n'en entendrons plus parler. En attendant, le curé prêche tous les dimanches matin contre le bal, et, tous les dimanches soir, on danse tant qu'on peut.

Quand je parle de curé grognon, vous entendez bien que ce n'est pas celui de Saint-Chartier18 que je veux dire. Tout au contraire: celui-là est si bon, que, s'il avait quelque soixante ans de moins, je le ferais danser si je m'en mêlais.

Il est venu ici faire deux mariages dans un jour. Celui d'André19, avec une jeune fille que vous ne connaissez pas et qui entrera à notre Service à la Saint-Jean, et celui de Fanchon, soeur d'André et bonne de Maurice, avec la coqueluche du pays, le beau cantonnier Sylvinot20, que vous ne vous rappelez sans doute en aucune manière, malgré ses succès. La noce s'est faite dans nos remises, on mangeait dans l'une, on dansait dans l'autre.

C'était d'un luxe que vous pouvez imaginer: trois, bouts de chandelle pour illumination, force piquette pour rafraîchissements, orchestre composé d'une vielle et d'une cornemuse, la plus criarde, par conséquent la plus goûtée du pays. Nous avions invité quelques personnes de la Châtre et nous avons fait cent mille folies, comme de nous déguiser le soir en paysans, et si bien, que nous ne nous reconnaissions pas les uns les autres. Madame Duplessis était charmante en cotillon rouge. Ursule21, en blouse bleue et en grand chapiau, était un fort drôle de galopin. Casimir, en mendiant, a reçu des sous qui lui ont été donnés de très bonne foi. Stéphane de Grandsaigne, que vous connaissez, je crois, était en paysan requinqué, et, faisant semblant d'être gris, a été coudoyer et apostropher notre sous-préfet, qui est un agréable garçon et qui était au moment de s'en aller quand il nous a tous reconnus.

Enfin la soirée a été très bouffonne et vous aurait divertie, je gage; peut-être auriez-vous été tentée de prendre aussi le bavolet, et je parie qu'il n'y aurait pas eu d'yeux noirs qui vous le disputassent encore.

Comptez-vous retourner bientôt à Paris, chère maman, et êtes-vous toujours contente du séjour de Charleville? Embrassez bien ma soeur pour moi, ainsi que le cher petit Oscar. Casimir vous présente ses tendres hommages, et moi je vous prie de penser un peu à nous quand le printemps reviendra.

Donnez-nous de vos nouvelles, chère maman, et recevez mes embrassements.

1Mademoiselle Aurore Dupin avait alors huit ans.
2Propriété de madame Dupin de Francueil, puis de George Sand, près la Châtre (Indre).
3Portrait au pastel de M. Dupin de Francueil, qui se trouve dans le salon de Nohant.
4Mademoiselle Aurore Dupin avait alors onze ans.
5Vieil ami et correspondant de la famille.
6Maurice, son fils, qui avait alors quatre mois.
7Nom de François-Casimir Dudevant, son mari.
8C'était le 17 mars 1824.
9Oscar Cazamajou, neveu de George Sand.
10Madame Cazamajou, soeur aînée de George Sand.
11Clotilde Daché, née Maréchal, cousine de George Sand.
12Femme de chambre.
13Cocher
14Le baron Dudevant, beau-pére de George Sand.
15Cousin éloigné de George Sand.
16Propriété du baron Dudevant, près de Nérac.
17Mère de Charles Duvernet, amie de la famille de pères en fils.
18Saint-Chartier (Indre), village près de Nohant.
19Domestique de George Sand.
20Diminutif de Sylvain Biaud.
21Ursule Josse, femme de chambre de George Sand.
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