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La San-Felice, Tome 01

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– Madame! madame! dit en entrant la camériste le visage tout bouleversé, on assassine un homme sous les murs du jardin.

– Michel! s'écria Luisa, les bras étendus vers lui, les mains jointes, tu es un homme, et tu as un couteau; laisseras-tu égorger un autre homme sans lui porter secours?

– Non, par la madone! s'écria Michel.

Et il s'élança vers la fenêtre et l'ouvrit pour sauter dans la rue; mais, tout à coup, il poussa un cri, se jeta en arrière, et, d'une voix étouffée par la terreur:

– Pasquale de Simone, le sbire de la reine! murmura-t-il en se courbant derrière l'appui de la fenêtre.

– Eh bien, s'écria la San-Felice, c'est donc à moi de le sauver.

Et elle s'élança vers le perron.

Nanno fit un mouvement pour la retenir; mais, secouant la tête et laissant tomber ses bras:

– Va, pauvre condamnée, dit-elle, et que l'arrêt des astres s'accomplisse!

XI
LE GÉNÉRAL CHAMPIONNET

Nous avons, on se rappelle, laissé Salvato Palmieri sur le point de transmettre aux conjurés la réponse de Championnet.

En effet, on se rappelle qu'au nom des patriotes italiens, Hector Caraffa avait écrit au général français qui venait d'obtenir le commandement de l'armée de Rome, pour lui faire part de la disposition des esprits à Naples et lui demander si, le cas d'une révolution échéant, on pouvait compter sur l'appui, non-seulement de l'armée française, mais aussi du gouvernement français.

Disons quelques mots de cette belle personnalité républicaine, une des gloires les plus pures de nos jours patriotiques; nous avons à lui faire prendre sa place dans le grand tableau que nous essayons de tracer, et, montrant où il va, il est bon que nous fassions voir d'où il vient.

Le général Championnet était, à l'époque où nous sommes arrivés, un homme de trente-six ans, à la figure douce et prévenante, mais cachant sous cette physionomie, qui était plutôt celle d'un homme du monde que celle d'un soldat, une puissante énergie de volonté et un courage à toute épreuve.

Il était fils naturel d'un président aux élections qui, ne voulant pas lui donner son nom, lui avait donné celui d'une petite terre des environs de Valence, sa ville natale.

C'était un esprit aventureux, dompteur de chevaux avant d'être un dompteur d'hommes. A douze ou quinze ans, il montait les animaux les plus rétifs et les réduisait à l'obéissance.

A dix-huit ans, il se mit à la poursuite de l'un ou de l'autre de ces deux fantômes que l'on nomme la gloire ou la fortune, partit pour l'Espagne, et, sous le nom de Bellerose, s'engagea dans les troupes wallones.

Au camp de Saint-Roch, qui s'était formé devant Gibraltar, il rencontra, dans le régiment de Bretagne, plusieurs de ses camarades de collège; ils obtinrent de son colonel qu'il quittât les gardes wallones et passât avec eux, comme volontaire.

A la paix, il rentra en France et trouva son père ouvrant ses deux bras à l'enfant prodigue.

Aux premiers mouvements de 1789, il s'engagea de nouveau. Le canon du 10 août retentit et la première coalition se forma. Chaque département alors offrit son bataillon de volontaires; celui de la Drôme fournit le 6e bataillon; Championnet en fut nommé chef et gagna avec lui Besançon. Ces bataillons de volontaires formaient l'armée de réserve.

Pichegru, en passant par Besancon pour aller prendre le commandement de l'armée du Haut-Rhin, y retrouva Championnet, qu'il avait connu quand il était chef de bataillon de volontaires comme lui. Championnet le supplia de l'appeler à l'armée active; son désir fut satisfait.

A partir de ce moment, Championnet inscrivit son nom à côté des noms de Joubert, de Marceau, de Hoche, de Kléber, de Jourdanet de Bernadotte.

Il servit alternativement sous eux, ou plutôt fut leur ami. Ils connaissaient si bien le caractère aventureux du jeune homme, que, lorsqu'il y avait quelque expédition bien difficile, presque impossible à conduire à bien, ils disaient:

– Envoyons-y Championnet.

Et celui-ci, en revenant vainqueur, justifiait toujours le proverbe qui dit: Heureux comme un bâtard.

Cette suite de succès fut récompensée par le titre de général de brigade, puis par celui de général de division, commandant les côtes de la mer du Nord depuis Dunkerque jusqu'à Flessingue.

La paix de Campo-Formio le rappela à Paris.

Il y revint, et, de toute sa maison militaire, ne garda qu'un jeune aide de camp.

Dans les différentes rencontres qu'il avait eues avec les Anglais, Championnet avait remarqué un jeune capitaine qui, à cette époque où tout le monde était brave, avait trouvé moyen d'être remarqué pour sa bravoure. Aucun engagement n'avait lieu auquel il prit part, qu'on ne citât de lui quelque action d'éclat. A la prise d'Altenkirchen, il était monté le premier à l'assaut. Au passage de la Lahn, il avait sondé la rivière et trouvé un gué sous le feu de l'ennemi. Aux défilés de Laubach, il avait pris un drapeau. Enfin, à l'affaire du camp des Dunes, à la tête de trois cents hommes, il avait attaqué quinze cents Anglais; mais, dans une charge désespérée qu'avait faite le régiment du prince de Galles, les Français ayant été repoussés, lui, avait dédaigné de faire un pas en arrière.

Championnet, qui le suivait des yeux, l'avait vu de loin disparaître entouré d'ennemis. Admirateur de la bravoure comme tout brave, Championnet alors s'était mis de sa personne à la tête d'une centaine d'hommes et avait chargé pour le délivrer. Arrivé au point où le jeune officier avait disparu, il l'avait retrouvé debout, le pied sur la poitrine du général anglais, à qui il avait cassé la cuisse d'un coup de pistolet, entouré de cadavres et blessé lui-même de trois coups de baïonnette; il le força de sortir de la mêlée, le recommanda à son propre chirurgien, et, lorsqu'il fut guéri, lui offrit d'être son aide de camp.

Le jeune capitaine accepta.

C'était Salvato Palmieri.

Lorsqu'il se nomma, son nom fut un nouveau sujet d'étonnement pour Championnet. Il était évident qu'il était Italien; d'ailleurs, n'ayant aucune raison de renier son origine, il la confessait lui-même, et cependant, chaque fois qu'il avait fallu obtenir quelques renseignements de prisonniers anglais ou autrichiens, Salvato les avait interrogés dans leur langue avec autant de facilité que s'il fût né à Dresde ou à Londres.

Salvato s'était contenté de répondre à Championnet qu'ayant été transporté tout jeune en France, et ayant achevé son éducation en Angleterre et en Allemagne, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il parlât l'allemand, l'anglais et le français comme sa langue maternelle.

Championnet, comprenant de quelle utilité pouvait lui être un jeune homme à la fois si brave et si instruit, l'avait, comme nous l'avons dit, gardé seul de toute sa maison militaire et ramené à Paris.

Lors du départ de Bonaparte pour l'Égypte, quoiqu'on ne connût pas le but de l'expédition, Championnet avait demandé à suivre la fortune du vainqueur d'Arcole et de Rivoli; mais Barras, auquel il s'était adressé, lui avait mis la main sur l'épaule en lui disant:

– Reste avec nous, citoyen général; nous aurons besoin de toi sur le continent.

Et, en effet, Bonaparte parti, Joubert le remplaçant dans le commandement de l'armée d'Italie, celui-ci demanda qu'on lui adjoignit Championnet pour commander l'armée de Rome, destinée à surveiller et, au besoin, à menacer Naples.

Et, cette fois, Barras, qui lui portait un intérêt tout particulier, lui avait dit, en lui remettant ses instructions:

– Si la guerre éclate de nouveau, tu seras le premier des généraux républicains chargé de détrôner un roi.

– Les intentions du Directoire seront remplies, répondit Championnet avec une simplicité digne d'un Spartiate.

Et, chose étrange, la promesse devait se réaliser.

Championnet partit pour l'Italie avec Salvato; il parlait déjà l'italien avec facilité, la pratique seule de la langue lui manquait; mais, à partir de ce moment, il ne parla plus qu'italien avec Salvato, et même, dans la prévoyance de ce qui pouvait arriver, il s'exerça avec lui au patois napolitain, qu'en s'amusant Salvato avait appris de son père.

A Milan, où le général s'arrêta à peine quelques jours, Salvato fit connaissance avec le comte de Ruvo et le présenta au général Championnet comme un des plus nobles seigneurs et des plus ardents patriotes de Naples. Il lui raconta comment Hector Caraffa, dénoncé par les espions de la reine Caroline, persécuté et emprisonné par la junte d'État, s'était évadé du château Saint-Elme, et demanda pour lui la faveur de suivre l'état-major sans y être attaché par aucun grade.

Tous deux l'accompagnèrent à Rome.

Le programme donné au général Championnet était celui-ci:

«Repousser par les armes toute agression hostile contre l'indépendance de la république romaine, et porter la guerre sur le territoire napolitain si le roi de Naples exécutait les projets d'invasion qu'il avait si souvent annoncés.»

Une fois à Rome, le comte de Ruvo, comme nous l'avons raconté plus haut, n'avait pu résister au désir de prendre une part active au mouvement révolutionnaire qui était, disait-on, sur le point d'éclater à Naples; il était entré dans cette ville sous un déguisement, et, par l'intermédiaire de Salvato, avait mis les patriotes italiens en communication avec les républicains français, pressant le général de leur envoyer Salvato, dans lequel Championnet avait la plus grande confiance, et qui ne pouvait manquer d'inspirer une confiance pareille à ses compatriotes. Le but de cette mission était de faire voir au jeune homme, par ses propres yeux, le point où en étaient les choses, afin qu'il pût, de retour près du général, lui rendre compte des moyens que les patriotes avaient à leur disposition.

Nous avons vu à travers quels dangers Salvato était arrivé au rendez-vous, et comment, les conjurés n'ayant point de secrets pour lui, il avait voulu, de son côté, pour qu'ils pussent mesurer son patriotisme à la position que les événements lui avaient faite, n'avoir point de secrets pour eux.

 

Mais, par malheur, les moyens d'action de Championnet, dans le commandement qu'il venait de recevoir et qui avaient pour but la protection de la république romaine, étaient loin de répondre à ses besoins. Il arrivait dans la ville éternelle un an après que le meurtre du général Duphot, sinon provoqué, du moins toléré et laissé impuni par le pape Pie VI, avait amené l'envahissement de Rome et la proclamation de la république romaine.

C'était Berthier qui avait eu l'honneur d'annoncer au monde cette résurrection. Il avait fait son entrée à Rome et était monté au Capitole comme un triomphateur antique, foulant cette même voie Sacrée qu'avaient foulée, dix-sept siècles auparavant, les triomphateurs de l'univers. Arrivé au Capitole, il avait fait deux fois le tour de la place où s'élève la statue de Marc-Aurèle, aux cris frénétiques de «Vive la liberté! vive la république romaine! vive Bonaparte! vive l'invincible armée française!»

Puis, ayant réclamé le silence, qui lui fut accordé à l'instant même, le héraut de la liberté avait prononcé le discours suivant:

– Mânes de Caton, de Pompée, de Brutus, de Cicéron, d'Hortensius, recevez les hommages des hommes libres, dans ce Capitole où vous avez tant de fois défendu les droits du peuple et illustré par votre éloquence ou vos actions la république romaine. Les enfants des Gaulois, l'olivier à la main, viennent dans ce lieu auguste rétablir les autels de la liberté dressés par le premier des Brutus. Et vous, peuple romain, qui venez de reprendre vos droits légitimes, rappelez-vous quel sang coule dans vos veines! Jetez les yeux sur les monuments de gloire qui vous environnent, reprenez les vertus de vos pères, montrez-vous dignes de votre antique splendeur, et prouvez à l'Europe qu'il est encore des âmes qui n'ont point dégénéré des vertus de vos ancêtres!

Pendant trois jours, on avait illuminé Rome, tiré des feux d'artifice, planté des arbres de la Liberté, dansé, chanté, crié: «Vive la République!» autour de ces arbres; mais l'enthousiasme avait été de courte durée. Dix jours après le discours de Berthier, qui, outre l'allocution aux mânes de Caton et d'Hortensius, contenait la promesse d'un respect inviolable pour les revenus et les richesses de l'Église, on avait, par l'ordre du Directoire, porté à la Monnaie les trésors de cette même Église pour y être fondus, transformés en pièces d'or et d'argent, non pas à l'effigie de la république romaine, mais à celle de la république française, et versés dans les caisses, les uns disaient du Luxembourg et les autres de l'armée: ceux qui disaient dans les caisses de l'armée étaient en minorité, et en minorité encore plus grande ceux qui le croyaient.

Puis on avait mis en vente les biens nationaux, et, comme le Directoire avait un pressant besoin d'argent pour l'armée d'Égypte, disait-il, ces biens avaient été vendus en toute hâte et à un prix fort au-dessous de leur valeur. Alors, des appels en argent et en nature avaient été faits aux riches propriétaires, qui, malgré leur patriotisme, auquel les exigences réitérées du gouvernement français avaient, nous devons l'avouer, porté une rude atteinte, avaient été bientôt mis à sec.

Il en résultait que, malgré les sacrifices faits par les classes riches de la société, les besoins du Directoire se renouvelant sans cesse, aucune des dépenses les plus indispensables n'avait pu être acquittée, et que la solde des troupes nationales, les appointements des fonctionnaires publics, présentaient, au bout de trois mois, un arriéré qui datait du jour même où la république avait été proclamée.

Les ouvriers, ne recevant plus de salaires, et, d'ailleurs, on le sait, n'étant pas énormément enclins d'eux-mêmes au travail, ils avaient, chacun de leur côté, abandonné leurs travaux et s'étaient faits, les uns mendiants, les autres bandits.

Quant aux autorités, qui eussent dû, dans leurs fonctions, donner l'exemple d'une intégrité lacédémonienne, comme elles ne recevaient pas un sou, elles étaient devenues encore plus vénales et encore plus voleuses qu'auparavant. La magistrature de l'annone, chargée de la nourriture du peuple, institution de la vieille Rome des empereurs qui s'était maintenue à travers la Rome des papes, n'ayant pu, avec du papier-monnaie discrédité, faire les approvisionnements nécessaires, et manquant de farine, d'huile, de viande, déclarait qu'elle ne savait plus quel remède opposer à la famine; si bien que, quand Championnet arriva, on se disait tout bas qu'il n'y avait plus à Rome que pour trois jours de vivres, et que, si le roi de Naples et son armée n'arrivaient pas bien vite pour chasser les Français, rétablir le saint-père sur son trône et rendre l'abondance au peuple, on allait se trouver incessamment dans l'alternative de se manger les uns les autres, ou de mourir de faim.

Voilà ce que Salvato était chargé d'annoncer d'abord aux patriotes napolitains; c'était la misérable situation de la république romaine, situation à laquelle on allait essayer de faire face à force d'économie et d'honnêteté. Pour commencer, Championnet avait chassé de Rome tous les agents du fisc et avait pris sur lui d'appliquer aux besoins de la ville et de l'armée tous les envois d'argent, de quelque part qu'ils vinssent, qui se faisaient au Directoire.

Maintenant, voici ce que Salvato avait à ajouter relativement à la situation de l'armée française, qui n'était guère plus florissante que celle de la république romaine:

L'armée de Rome, dont Championnet venait de prendre le commandement et qui, sur les cadres qu'il avait reçus du Directoire, se montait à trente-deux mille hommes, était de huit mille hommes en réalité. Ces huit mille hommes, qui, depuis trois mois, n'avaient pas reçu un sou de solde, manquaient de chaussures, d'habits, de pain, et étaient comme enveloppés par l'armée du roi de Naples, se composant de 60,000 hommes, bien vêtus, bien chaussés, bien nourris et payés chaque jour. Pour toutes munitions, l'armée française avait cent quatre-vingt mille cartouches; c'était quinze coups de fusil à tirer par homme. Aucune place n'était approvisionnée, nous ne dirons pas de vivres, mais de poudre, et la pénurie était telle, qu'on en avait manqué à Civita-Vecchia pour tirer sur un bâtiment barbaresque qui était venu capturer une barque de pêcheur à demi-portée de canon du fort. On n'avait en tout que neuf bouches à feu. Toute l'artillerie avait été fondue pour faire de la monnaie de cuivre. Quelques forteresses avaient des canons, c'est vrai; mais, soit trahison, soit négligence, dans aucune les boulets n'étaient du calibre des pièces; dans quelques-unes, il n'y avait pas de boulets du tout.

Les arsenaux étaient aussi vides que les forteresses; on avait inutilement essayé d'armer de fusils deux bataillons de gardes nationales, et cela dans un pays où l'on ne rencontrait pas un homme qui n'eût son fusil sur l'épaule s'il était à pied, et en travers de sa selle s'il était à cheval.

Mais Championnet avait écrit à Joubert, et l'on devait lui envoyer d'Alexandrie et de Milan un million de cartouches et dix pièces de canon avec leurs parcs.

Quant aux boulets, Championnet avait établi des fours, et il en faisait fondre quatre ou cinq mille par jour. Ce qu'il demandait donc en grâce aux patriotes, c'était de ne rien hâter, ayant besoin d'un mois encore pour se mettre en mesure, non pas d'envahir, mais de se défendre.

Salvato était chargé d'une lettre dans ce sens pour l'ambassadeur français à Naples, lettre où Championnet exposait à Garat sa situation, et le priait de mettre tous ses soins à retarder une rupture entre les deux cours. Cette lettre, heureusement enfermée dans un portefeuille de basane hermétiquement fermé, n'avait point été atteinte par l'eau.

Au reste, Salvato en connaissait le contenu, et, fût-elle devenue illisible, il pouvait la redire mot pour mot à l'ambassadeur; seulement, l'ambassadeur, ne recevant pas la lettre, perdait la mesure du degré de confiance qu'il pouvait accorder au porteur.

Tous ces faits exposés aux conjurés, il y eut un instant de silence pendant lequel ils se regardèrent, s'interrogeant des yeux les uns les autres.

– Que faire? demanda le comte de Ruvo, le plus impatient de tous.

– Suivre les instructions du général, répondit Cirillo.

– Et, pour m'y conformer, ajouta Salvato, je me rends à l'instant même chez l'ambassadeur de France.

– Hâtez-vous, alors! dit du haut de l'escalier une voix qui fît tressaillir tous les conjurés, et Salvato lui-même; car cette voix n'avait pas encore été entendue. L'ambassadeur, à ce que l'on assure, part cette nuit ou demain matin pour Paris.

– Velasco! firent à la fois Nicolino et Manthonnet.

Puis, continuant seul, Nicolino ajouta:

– Soyez tranquille, signor Palmieri: c'est le sixième ami que nous attendions et qui, par ma faute, par ma très-grande faute, a passé sur la planche que j'ai oublié de retirer, non pas une fois, mais deux fois, la première en rapportant la corde, et la seconde en rapportant les habits.

– Nicolino, Nicolino, dit Manthonnet, tu nous feras pendre.

– Je l'ai dit avant toi, répliqua insoucieusement Nicolino. Pourquoi conspirez-vous avec un fou?

XII
LE BAISER D'UN MARI

Si la nouvelle donnée par Velasco était vraie, il n'y avait pas un instant à perdre; car, au point de vue de Championnet, ce départ, qui était une déclaration de guerre, pouvait entraîner de grands malheurs, et ce départ, l'arrivée de Salvato l'empêcherait peut-être en déterminant le citoyen Garat à temporiser.

Chacun voulait accompagner Salvato jusqu'à l'ambassade; mais Salvato, autant par ses souvenirs que par un plan, s'était fait une topographie de Naples; il refusa obstinément. Celui des conjurés qui eût été vu avec lui, le jour où l'objet de sa mission transpirait, était perdu: il devenait la proie de la police de Naples ou le but du poignard des sbires du gouvernement.

Au reste, Salvato n'avait à suivre que le bord de la mer en la gardant constamment à sa droite, pour arriver à l'ambassade de France, située au premier étage du palais Caramanico; il ne risquait donc point de s'égarer; le drapeau tricolore et le faisceau soutenant le bonnet de la liberté lui indiqueraient la maison.

Seulement, autant à titre d'amitié qu'à titre de précaution, il échangea ses pistolets, mouillés par l'eau de mer, contre ceux de Nicolino Carracciolo; puis, sous son manteau, il boucla son sabre, qu'il avait sauvé du naufrage et qu'il suspendit au porte-mousqueton, pour que son rebondissement sur les dalles ne le trahît point.

Il fut convenu qu'on le laisserait partir le premier, et que, dix minutes après son départ, les six conjurés, sortant à leur tour, les uns après les autres, se rendraient séparément chacun chez soi, en déroutant ceux qui voudraient les suivre par ces détours si faciles à multiplier dans ce labyrinthe plus inextricable que celui de la Crète et que l'on appelle la ville de Naples.

Nicolino conduisit le jeune aide de camp jusqu'à la porte de la rue, et, lui montrant la descente du Pausilippe et les rares lumières brillant encore dans Mergellina:

– Voilà votre chemin, lui dit-il; ne vous laissez ni suivre ni accoster.

Les deux jeunes gens échangèrent une poignée de main et se séparèrent.

Salvato jeta les yeux autour de lui: la rue était entièrement déserte, et, d'ailleurs, la tempête n'était point encore calmée, et, quoique la pluie eût cessé de tomber, de nombreux et fréquents éclairs, accompagnés du grondement de la foudre, continuaient d'éclater sur tous les points du ciel.

En dépassant l'angle le plus obscur du palais de la reine Jeanne, il lui sembla entrevoir la silhouette d'un homme se dessinant sur le mur; il ne jugea point que cela valût la peine de s'arrêter; armé comme il l'était, que lui faisait un homme?

Au bout de vingt pas, il tourna cependant la tête en arrière: il ne s'était point trompé: l'homme traversait la route et semblait vouloir prendre la gauche du chemin.

Dix pas plus loin, il crut distinguer, au-dessus du mur qui, du côté de la mer, sert de parapet à la route, une tête qui, à son approche, disparut derrière ce mur; il se pencha sur le parapet, regarda de l'autre côté, et ne vit qu'un jardin avec des arbres touffus, dont les branches montaient à la hauteur du parapet.

Pendant ce temps, l'autre homme avait gagné du terrain et marchait parallèlement à lui; Salvato affecta de s'en rapprocher, sans cependant perdre de vue l'endroit où la tête avait disparu.

 

A la lueur d'un éclair, il vit alors derrière lui un homme qui enjambait le mur et qui, comme lui, descendait vers Mergellina.

Salvato mit la main à sa ceinture, s'assura que ses pistolets ne pouvaient sortir facilement, et continua son chemin.

Les deux hommes suivaient toujours parallèlement la route, l'un un peu en avant de lui à sa gauche, l'autre un peu en arrière de lui à sa droite.

A la hauteur du casino du Roi, deux homme tenaient le milieu du chemin, se disputant avec cette multiplicité de gestes et ces cris discordants particuliers aux gens du peuple à Naples.

Salvato arma ses pistolets sous son manteau, et, commençant à soupçonner un guet-apens quand il vit qu'ils ne se dérangeaient point, marcha droit à eux:

– Allons, place! dit-il en napolitain.

– Et pourquoi place? demanda un des deux hommes d'un ton goguenard et oubliant la dispute dans laquelle il était engagé.

– Parce que, répondit Salvato, le haut du pavé de Sa gracieuse Majesté le roi Ferdinand est fait pour les gentilshommes et non pour des drôles comme vous.

– Et, si on ne vous la faisait point, place! repartit l'autre disputeur, que diriez-vous?

– Je ne dirais rien, je me la ferais faire.

Et, tirant ses deux pistolets de sa ceinture, il marcha sur eux.

Les deux hommes s'écartèrent et le laissèrent passer; mais ils le suivirent.

Salvato entendit celui qui semblait être le chef dire aux autres:

– C'est bien lui!

Nicolino, on se le rappelle, avait recommandé à Salvato non-seulement de ne pas se laisser accoster, mais encore de ne pas se laisser suivre; d'ailleurs, les trois mots qu'il avait surpris indiquaient qu'il était menacé.

Il s'arrêta. En le voyant s'arrêter, les hommes en firent autant, c'est-à-dire s'arrêtèrent de leur côté.

Ils étaient à dix pas l'un de l'autre.

L'endroit était désert.

A gauche, une maison dont tous les volets étaient fermés, se continuant par les murs d'un jardin, au-dessus desquels ont voyait frissonner la cime d'une forêt d'orangers, et se courber et se relever tour à tour le flexible panache d'un magnifique peuplier.

A droite, la mer.

Salvato fit encore dix pas en avant et s'arrêta de nouveau.

Les hommes, qui avaient continué de marcher en même temps que lui, s'arrêtèrent en même temps que lui.

Alors, Salvato revint sur ses pas; les quatre hommes, qui s'étaient réunis et que l'on reconnaissait parfaitement pour être de la même bande, l'attendirent:

– Non-seulement, dit Salvato, lorsqu'il ne fut plus qu'à quatre pas d'eux, non-seulement je ne veux pas que l'on me barre le passage, mais encore je ne veux pas que l'on me suive.

Deux des hommes avaient déjà tiré leur couteau et le tenaient à la main.

– Voyons, dit le chef, il y a peut-être moyen de s'entendre, au bout du compte; car, à la manière dont vous parlez le napolitain, il est impossible que vous soyez Français.

– Et que t'importe que je sois Français ou Napolitain?

– Ceci, c'est mon affaire. Répondez franchement.

– Je crois que tu te permets de m'interroger, coquin!

– Oh! ce que j'en fais, monsieur le gentilhomme, c'est pour vous et non pour moi. Voyons: êtes-vous l'homme qui, venant de Capoue à cheval, avec l'uniforme français, a pris une barque à Pouzzoles, et, malgré la tempête, a forcé deux marins de le conduire au palais de la reine Jeanne?

Salvato pouvait répondre non, se servir de sa facilité à parler le patois napolitain pour augmenter les doutes de celui qui l'interrogeait; mais il lui sembla que mentir, même à un sbire, c'était toujours mentir, c'est-à-dire commettre une action abaissant la dignité humaine.

– Et si c'était moi, demanda Salvato, qu'arriverait-il?

– Ah! si c'était vous, dit l'homme d'une voix sombre et en secouant la tête, il arriverait que je serais obligé de vous tuer, à moins que vous ne consentissiez à me donner de bonne volonté les papiers dont vous êtes porteur.

– Alors, il fallait vous mettre vingt au lieu de quatre, mes drôles; vous n'êtes pas assez de quatre pour tuer ou même voler un aide de camp du général Championnet.

– Allons, décidément, c'est lui, dit le chef; il faut en finir. A moi, Beccaïo!

A cet appel, deux hommes se détachèrent d'une petite porte sombre découpée dans la muraille du jardin et s'élancèrent rapidement pour attaquer Salvato par derrière.

Mais, à leur premier mouvement, Salvato avait fait feu de ses deux pistolets sur les deux hommes qui tenaient leur couteau à la main, et avait tué l'un et blessé l'autre.

Puis, dégrafant son manteau et le rejetant loin de lui, il s'était retourné en mettant le sabre à la main, avait fendu d'un revers le visage de celui que le chef avait appelé à son aide sous le nom de Beccaïo, et, d'un coup de pointe, blesse grièvement son compagnon.

Il croyait être débarrassé de ses agresseurs, dont quatre sur six étaient hors de combat, et, n'ayant plus affaire qu'au chef et à un de ses sbires qui se tenait prudemment à dix pas de lui, avoir facilement raison des deux derniers, lorsqu'au moment où il se retournait vers eux pour les charger, il vit briller une espèce d'éclair qui, se détachant de la main du chef, vint à lui en sifflant; en même temps, il sentit une vive douleur au côté droit de la poitrine. L'assassin, n'osant s'approcher de lui, lui avait lancé son couteau; la lame avait disparu entre la clavicule et l'épaule, le manche seul tremblait hors de la blessure.

Salvato saisit le couteau de la main gauche, l'arracha, fit quelques pas en arrière, car il lui semblait que la terre manquait sous ses pieds; puis, cherchant un appui, il rencontra le mur, et s'y adossa. Presque aussitôt, tout parut tourner autour de lui; sa dernière sensation fut de croire qu'à son tour le mur lui manquait comme la terre.

Un éclair qui fendit le ciel lui apparut, non plus bleuâtre, mais couleur de sang; il étendit les bras, lâcha son sabre et tomba évanoui.

Dans la dernière lueur de raison qui le sépara de l'anéantissement, il crut voir les deux hommes s'élancer vers lui. Il fit un effort pour les repousser; mais tout s'éteignit dans un soupir que l'on eût pu croire le dernier.

C'était quelques secondes auparavant qu'à la détonation des pistolets, la fenêtre de la San-Felice s'était ouverte, et qu'à ce cri de terreur de Michele: «Pasquale de Simone, le sbire de la reine!» la jeune femme avait répondu par ce cri du coeur: «Eh bien, c'est donc à moi de le sauver.»

Or, quoique la distance ne fût pas grande du boudoir au perron et du perron à la porte du jardin, lorsque Luisa ouvrit cette porte d'une main tremblante, les assassins avaient déjà disparu, et le corps seul du jeune homme, demeurant appuyé contre la porte, tombait, le haut du corps renversé, dans le jardin, au moment où la San-Felice ouvrait cette porte.

Alors, avec une force dont elle ne se serait jamais crue capable, la jeune femme tira le blessé dans le jardin, ferma la porte derrière lui, non-seulement à la clef, mais encore au verrou, et, tout éplorée, elle appela Nina, Michele et Nanno à son aide.

Tous trois accoururent. Michele, de sa fenêtre, avait vu fuir les assassins; une patrouille dont on entendait le pas lent et mesuré se chargerait probablement de faire disparaître les morts et de recueillir les blessés; il n'y avait donc plus rien à craindre pour ceux qui portaient secours au jeune officier, dont la trace serait perdue, même aux yeux les plus exercés.

Michele souleva par le milieu le corps du jeune homme entre ses bras, Nina lui prit les pieds, Luisa lui soutint la tête, et, avec ces doux mouvements dont les femmes ont seules le secret à l'égard des malades et des blessés, on le transporta dans l'intérieur de la maison.

Nanno était restée en arrière. Courbée vers la terre, elle marmottait entre ses dents des paroles magiques et cherchait des herbes à elle connues parmi les herbes qui poussaient en toute liberté dans les angles du jardin et dans les fentes des murailles.

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