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Histoire d'un casse-noisette

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Les vagues mugissantes emportèrent en un instant le gnome railleur hors de vue, et Carl resta seul à lutter contre les flots. Il nagea donc jusqu'à ce qu'il arrivât en vue du rivage; alors, par bonheur, il aperçut quelques débris de bois pourri qui flottaient sur la mer, et semblaient avoir appartenu à une vieille digue; il s'y attacha d'une étreinte désespérée, et se mit à pousser de grands cris, espérant voir arriver, du rivage, son secours. Les cris de Carl à demi submergé finirent par attirer l'attention des enfants d'un pêcheur qui jouaient sur la berge; insoucieux du danger, ils poussèrent une barque dans l'eau, et se dirigèrent vers l'homme qui semblait près de se noyer. Après bien des efforts infructueux, ces courageux enfants parvinrent à tirer Carl dans leur bateau.

– Merci! merci! balbutia-t-il en regardant ces enfants, qui n'avaient point hésité à risquer leur vie pour sauver la sienne.

– Ne nous remerciez pas, dit le petit garçon; vous ne savez pas combien nous sommes heureux que le ciel nous ait procur l'occasion de vous délivrer d'une mort certaine; c'est à nous être reconnaissants chaque fois que nous pouvons faire une bonne action; voilà, du moins, ce que nous enseigne notre bon père.

– Je voudrais que le mien m'eût donné les mêmes enseignements, pensa Carl.

Il embrassa tendrement les enfants; il n'avait rien antre chose leur donner; car tout son or avait été perdu au milieu de son voyage aventureux avec le perfide gnome.

Il demanda son chemin, et un petit paysan, un peu plus âgé que ceux qui l'avaient délivré, offrit de traverser les hautes montagnes avec lui, et de le reconduire jusqu'à sa maison, qui se trouvait à une très-grande distance, assurait le petit paysan; ce qui confondit Carl de surprise.

Déguenillé et les pieds blessés, Carl se mit en route avec son jeune et agile petit guide, qui le soutenait avec la plus vive sollicitude dans les passages difficiles et dans les rudes sentiers de la montagne; Carl se sentait honteux et rougissait en voyant ce simple enfant, sans souci de lui-même, mettre un si grand espace entre soi et son village, pour obliger un étranger pauvre et souffrant, lui gazouiller ses petites chansons montagnardes pour égayer la longueur du chemin afin qu'il ne sentît ni la fatigue ni les douleurs; et, lorsqu'ils arrivaient quelque endroit bien tranquille, s'asseyant à l'ombre à ses côtés, le jeune paysan étalait le contenu de son bissac, et partageait gaiement ses provisions avec le voyageur.

A la fin, le chemin devint si facile et si directement tracé, que le complaisant conducteur de Carl se disposa à le quitter pour retourner chez lui; mais, avant de le faire, il voulait absolument laisser à Carl le contenu de son havresac, de crainte que celui-ci ne souffrît de la faim. Carl ne voulut point y consentir; car, que deviendrait ce faible enfant, s'il le privait de sa nourriture? Tout en persistant dans son refus, il l'embrassa en le remerciant mille fois, et se mit à descendre la montagne. – Carl avait appris à penser aux autres.

Il voyagea bien des jours à travers les vallées, apaisant sa faim avec les mûres sauvages des haies, étanchant sa soif dans l'eau vive des ruisseaux; enfin, il arriva près d'un village composé de chaumières éparses. La fatigue et le manque de nourriture avaient énervé sa constitution jadis si robuste; il se traîna en chancelant, avec l'espoir de trouver quelqu'un qui vînt à son secours; mais il ne vit personne, excepté une jolie fille blonde qui était assise sur le seuil de sa cabane et mangeait du pain trempé dans du lait. Il essaya de s'approcher d'elle; mais, incapable de faire un pas de plus, il tomba par terre tout de son long; l'enfant se leva vivement en voyant choir ainsi presque ses pieds, et en entendant gémir l'étranger hâve et misérable; elle lui souleva la tête, et sa pâleur livide, ainsi que sa maigreur, lui ayant dévoilé les causes de sa souffrance, elle porta la jatte de lait à ses lèvres et l'y maintint jusqu'à ce qu'il eût avalé tout ce qu'elle contenait avec l'avidité de la faim. Cette enfant, sans penser un seul instant à autre chose qu'à la détresse de Carl mourant d'inanition, avait volontairement et avec joie sacrifié son déjeuner. – Souviens-toi de cela, Carl! – Il s'en souvint, en effet, lorsque, ranimé, il se remit en route, le coeur pénétré de l'exemple qu'il avait reçu.

Il y avait encore un bien long et bien fatigant bout de chemin entre lui et sa maison… Sa maison! ah! le coeur lui manquait quand il se rappelait que ce n'était plus sa maison; elle appartenait à son ami et à sa soeur, qu'il avait l'un et l'autre traités avec un si froid égoïsme jusqu'au dernier moment de leur séparation, alors que sa tête était remplie du mirage des promesses dorées de l'artificieux gnome, alors qu'il s'imaginait posséder bientôt des richesses immenses, alors enfin qu'il s'efforçait de mettre, par sa conduite, entre eux et lui, une assez grande distance pour qu'il ne pût être question de rien partager avec eux, quand même ils viendraient à tomber dans le besoin. Depuis que de nouveaux sentiments, dus aux bontés dont il avait été l'objet de toutes parts sans l'appât d'aucune récompense, s'emparaient de son coeur, il sentait combien il aurait peu droit de faire appel à leur charité, lui qui s'était rendu indigne de leur amitié; et il soupirait en songeant à ce qu'il avait été jadis.

La nuit le surprit dans une lande inculte et désolée, et, pour compléter sa misère, la neige se mit à tomber en gros flocons qui l'aveuglaient. Il boutonna étroitement sa redingote en lambeaux, et lutta contre la bourrasque glacée, qui tourbillonnait autour de lui avec une sorte de violence vengeresse. A la fin, la neige glacée s'amoncela sur ses pieds transis, il avança plus lentement, et sa marche devint de plus en plus pénible. L'ouragan redoublant d'impétuosité, il commença à chanceler; il s'arrêta un instant comme anéanti par le vent furieux, puis il s'affaissa et fut bientôt à demi enseveli sous une couche de neige.

Un tintement de grelots domina le bruit de la tempête; il annonçait l'approche d'un chariot couvert dont le roulement était amorti par la neige épaisse, à ce point qu'on eût pu douter de sa présence, si une lanterne, placée à l'intérieur, n'eût répandu au loin sa brillante lumière. La voiture atteignit en peu de minutes l'endroit où Carl était étendu; le cheval se cabra l'aspect de cette forme humaine étendue à terre; le voyageur descendit, releva l'étranger gelé, et, après quelques vigoureux efforts, il le déposa sain et sauf dans son chariot, et gagna toute vitesse le plus prochain hameau, dont on apercevait au loin les lumières. Là, des soins actifs rappelèrent Carl à la vie, et le premier visage qui s'offrit à ses regards fut celui de son excellent beau-frère Wilhelm, qui n'avait pu reconnaître, dans le voyageur mourant, isolé et déguenillé, son frère Carl, si riche et si égoïste; celui-ci, après une explication de quelques mots, découvrit qu'il avait voyagé, avec le gnome, pendant plus d'une année, ce qui lui parut inconcevable; toutefois, Wilhelm lui affirma que rien n'était plus réel, et l'assura en même temps qu'il était disposé à le recevoir dans sa maison, et à lui accorder, avec l'oubli complet de ses fautes passées, tout ce que l'affection sincère est toujours prête à donner. Cette assurance fut un baume salutaire pour les blessures physiques et morales de Carl repentant. Wilhelm partit, le laissant reposer ses membres endoloris dans le lit doux et commode des villageois.

Le matin du jour suivant, la honte au visage, Carl s'achemina vers le seuil bien connu de son ancienne demeure; mais son pied avait à peine touché la première marche de l'escalier, que sa soeur accourut se jeter dans ses bras et l'embrasser; il cacha sa figure dans le sein de cette généreuse femme et pleura abondamment.

Le gnome, qui n'avait pas cessé de le suivre, avec l'espoir qu'il retomberait en son pouvoir, s'arrêta soudain à ce touchant spectacle; et, tandis qu'il les contemplait tous deux d'un air de dépit, il devint graduellement de moins en moins visible l'oeil, jusqu'à ce qu'il s'évanouit tout à fait.

Le démon de l'égoïsme était parti pour jamais, et Carl rendit de sincères actions de grâces à Dieu, pour la terrible épreuve qui avait causé ce changement, et lui avait démontré qu'en s'occupant charitablement des intérêts et du bien-être des autres, il travaillait pour lui-même, et concourait le plus efficacement son propre bonheur. Il avait donc, en réalité, découvert un trésor mille fois plus précieux que tout l'or de la terre.

FIN DE L'ÉGOÏSTE

NICOLAS LE PHILOSOPHE

Après avoir servi son maître pendant sept ans, Nicolas lui dit:

– Maître, j'ai fait mon temps, je voudrais bien retourner près de ma mère; donnez-moi mes gages.

– Tu m'as servi fidèlement comme intelligence et probité, répondit le maître de Nicolas; la récompense sera en rapport avec le service.

Et il lui donna un lingot d'or, qui pouvait bien peser cinq ou six livres. Nicolas tira son mouchoir de sa poche, y enveloppa le lingot, le chargea sur son épaule et se mit en route pour la maison paternelle.

En cheminant et en mettant toujours une jambe devant l'autre, il finit par croiser un cavalier qui venait à lui, joyeux et frais, et monté sur un beau cheval.

– Oh! dit tout haut Nicolas, la belle chose que d'avoir un cheval! On monte dessus, on est dans sa selle comme sur un fauteuil, on avance sans s'en apercevoir, et l'on n'use pas ses souliers.

Le cavalier, qui l'avait entendu, lui cria:

– Hé! Nicolas, pourquoi vas-tu donc à pied?

– Ah! ne m'en parlez point, répondit Nicolas; ça me fait d'autant plus de peine, que j'ai là, sur l'épaule, un lingot d'or qui me pèse tellement, que je ne sais à quoi tient que je ne le jette dans le fossé.

– Veux-tu faire un échange? demanda le cavalier.

 

– Lequel? fit Nicolas.

– Je te donne mon cheval, donne-moi ton lingot d'or.

– De tout mon coeur, dit Nicolas; mais, je vous préviens, il est lourd en diable.

– Bon! ce n'est point là ce qui empêchera le marché de se faire, dit le cavalier.

Et il descendit de son cheval, prit le lingot d'or, aida Nicolas à monter sur la bête et lui mit la bride en main.

– Quand tu voudras aller doucement, dit le cavalier, tu tireras la bride à toi en disant: «Oh!» Quand ta voudras aller vite, tu lâcheras la bride en disant: «Hop!

Le cavalier, devenu piéton, s'en alla avec son lingot; Nicolas, devenu cavalier, continua son chemin avec son cheval.

Nicolas ne se possédait pas de joie en se sentant si carrément assis sur sa selle; il alla d'abord au pas, car il était assez médiocre cavalier, puis au trot, puis il s'enhardit et pensa qu'il n'y aurait pas de mal à faire un petit temps de galop.

Il lâcha donc la bride et fit clapper sa langue en criant:

– Hop! hop!

Le cheval fit un bond, et Nicolas roula à dix pas de lui.

Puis, débarrassé de son cavalier, le cheval partit à fond de train, et Dieu sait où il se fût arrêté, si un paysan qui conduisait une vache ne lui eût barré le chemin.

Nicolas se releva, et, tout froissé, se mit à courir après le cheval, que le paysan tenait par la bride; mais, tout triste de sa déconfiture, il dit au brave homme:

– Merci, mon ami!.. C'est une sotte chose que d'aller à cheval, surtout quand on a une rosse comme celle-ci, qui rue, et, en ruant, vous démonte son homme de manière à lui casser le cou. Quant à moi, je sais bien une chose, c'est que jamais je ne remonterai dessus. Ah! continua Nicolas avec un soupir, j'aimerais bien mieux une vache; on la suit à son aise par derrière, et l'on a, en outre, son lait par-dessus le marché, sans compter le beurre et le fromage. Foi de Nicolas! je donnerais bien des choses pour avoir une vache comme la vôtre.

– Eh bien, dit le paysan, puisqu'elle vous plaît tant, prenez-la; je consens à l'échanger contre votre cheval.

Nicolas fut transporté de joie: il prit la vache par son licol; le paysan enfourcha le cheval et disparut.

Et Nicolas se remit en route, chassant la vache devant lui, et songeant à l'admirable marché qu'il qu'il venait de faire.

Il arriva à une auberge, et, dans sa joie, il mangea tout ce qu'il avait emporté de chez son maître, c'est-à-dire un excellent morceau de pain et de fromage; puis, comme il avait deux liards dans sa poche, il se fit servir un demi-verre de bière et continua de conduire sa vache du côté de son village Vers midi, la chaleur devint étouffante, et, juste en ce moment, Nicolas se trouvait au milieu d'une lande qui avait bien encore deux lieues de longueur.

La chaleur était si insupportable, que le pauvre Nicolas en tirait la langue de trois pouces hors de la bouche.

– Il y a un remède à cela, se dit Nicolas: je vais traire ma vache et me régaler de lait.

Il attacha la vache à un arbre desséché, et, comme il n'avait pas de seau, il posa à terre son bonnet de cuir; mais, quelque peine qu'il se donnât, il ne put faire sortir une goutte de lait de la mamelle de la bête.

Ce n'était pas que la vache n'eût point de lait, mais Nicolas s'y prenait mal, si mal, que la bête rua, comme on dit, en vache, et, d'un de ses pieds de derrière, lui donna un tel coup à la tête, qu'elle le renversa, et qu'il fut quelque temps à rouler droite et à gauche, sans parvenir à se remettre sur ses pieds.

Par bonheur, un charcutier vint à passer avec sa charrette, où il y avait un porc.

– Eh! eh! demanda le charcutier, qu'y a-t-il donc, mon ami? es-tu ivre?

– Non pas, dit Nicolas, au contraire, je meurs de soif.

– Cela ne serait pas une raison: nul n'est plus altéré qu'un ivrogne; au reste, et à tout hasard, mon pauvre garçon, bois un coup.

Il aida Nicolas à se remettre sur ses pieds et lui présenta sa gourde.

Nicolas l'approcha de sa bouche et y but une large gorgée.

Puis, ayant reprit ses sens:

– Voulez-vous me dire, demanda-t-il au charcutier, pourquoi ma vache ne donne pas de lait?

Le charcutier se garda bien de lui dire que c'était parce qu'il ne savait point la traire.

– Ta vache est vieille, lui dit-il, et n'est plus bonne à rien.

– Pas même à tuer? demanda Nicolas.

– Qui diable veux-tu qui mange de la vieille vache? Autant manger de la vache enragée!

– Ah! dit Nicolas, si j'avais un joli petit porc comme celui-ci, à la bonne heure! cela est bon depuis les pieds jusqu'à la tête: avec la chair, on fait du salé; avec les entrailles, on fait des andouillettes; avec le sang, on fait du boudin.

– Écoute, dit le charcutier, pour t'obliger… mais c'est purement et simplement pour t'obliger… je te donnerai mon porc, si ta veux me donner ta vache.

– Que Dieu te récompense, brave homme! dit Nicolas.

Et, remettant sa vache au charcutier, il descendit le porc de la charrette et prit le bout de la corde pour le conduire.

Nicolas continua sa route en songeant combien tout allait selon ses désirs.

Il n'avait pas fait cinq cents pas, qu'un jeune garçon le rattrapa. Celui-ci portait sous son bras une oie grasse.

Pour passer le temps, Nicolas commença à parler de son bonheur et des échanges favorables qu'il avait faits.

De son côté, le jeune garçon lui raconta qu'il portait son oie pour festin de baptême.

– Pèse-moi cela par le cou, dit-il à Nicolas. Hein! est-ce lourd! Il est vrai que voilà huit semaines qu'on l'engraisse avec des châtaignes. Celui qui mordra là-dedans devra s'essuyer la graisse des deux côtés du menton.

– Oui, dit Nicolas en la soupesant d'une main, elle a son poids; mais mon cochon pèse bien vingt oies comme la tienne.

Le jeune garçon regarda de tous côtés d'un air pensif, et en secouant la tête:

– Écoute, dît-il à Nicolas, je ne te connais que depuis dix minutes, mais tu m'as l'air d'un brave garçon; il faut que ta saches une chose, c'est qu'il se pourrait qu'à l'endroit de ton cochon, tout ne fût pas bien en ordre: dans le village que je viens de traverser, on en a volé un au percepteur. Je crains fort que ce ne soit justement celui que tu mènes. Ils ont requis la maréchaussée et envoyé des gens pour poursuivre le voleur, et, tu comprends, ce serait une mauvaise affaire pour toi si l'on te trouvait conduisant ce cochon. Le moins qu'il pût t'arriver, ce serait d'être conduit en prison jusqu'au moment où l'affaire serait éclaircie.

A ces mots, la peur saisit Nicolas.

– Jésus Dieu! dit-il, tire-moi de ce mauvais pas, mon garçon; tu connais ce pays que j'ai quitté depuis quinze ans, de sorte que tu as plus de défense que moi. Donne-moi ton oie et prends mon cochon.

– Diable! fit le jeune garçon, je joue gros jeu; cependant, je ne puis laisser un camarade dans l'embarras.

Et, donnant son oie à Nicolas, il prit le cochon par la corde, et se jeta avec lui dans un chemin de traverse.

Nicolas continua sa route, débarrassé de ses craintes, et portant gaiement son oie sous son bras.

– En y réfléchissant bien, se disait-il, je viens, outre la crainte dont je suis débarrassé, de faire un marché excellent. D'abord, voilà une oie qui va me donner un rôti délicieux, et qui, tout en rôtissant, me donnera une masse de graisse avec laquelle je ferai des tartines pendant trois mois, sans compter les plumes blanches qui me confectionneront un bon oreiller, sur lequel, dès demain au soir, je vais dormir sans être bercé. Oh! c'est ma mère qui sera contente, elle qui aime tant l'oie!

Il achevait à peine ces paroles, qu'il se trouva côte à côte avec un homme qui portait un objet enfermé dans sa cravate, qu'il tenait pendue à la main.

Cet objet gigottait de telle façon, et imprimait à la cravate de tels balancements, qu'il était évident que c'était un animal vivant, et que cet animal regrettait fort sa liberté.

– Qu'avez-vous donc là, compagnon? demanda Nicolas.

– Où, là? fit le voyageur.

– Dans votre cravate.

– Oh! ce n'est rien, répondit le voyageur en riant.

Puis, regardant autour de lui pour voir si personne n'était portée d'entendre ce qu'il allait dire:

– C'est une perdrix que je viens de prendre au collet, dit-il; seulement, je suis arrivé à temps pour la prendre vivante. Et vous, que portez-vous là?

– Vous le voyez bien, c'est une oie, et une belle, j'espère.

Et, tout fier de son oie, Nicolas la montra au braconnier.

Celui-ci regarda l'oie d'un air de dédain, la prit et la flaira.

– Hum! dit-il, quand comptez-vous la manger?

– Demain au soir, avec ma mère.

– Bien du plaisir! dit en riant le braconnier.

– Je m'en promets, en effet, du plaisir; mais pourquoi riez-vous?

– Je ris, parce que votre oie est bonne à manger aujourd'hui, et encore, encore, en supposant que vous aimiez les oies faisandées.

– Diable! vous croyez? fit Nicolas.

– Mon cher ami, sachez cela pour votre gouverne: quand on achète une oie, on l'achète vivante; de cette façon-là, on la tue quand on veut, et on la mange quand il convient: croyez-moi, si vous voulez tirer de votre oie un parti quelconque, faites-la rôtir la première auberge que vous rencontrerez sur votre chemin, et mangez-la jusqu'au dernier morceau.

– Non, dit Nicolas; mais faisons mieux: prenez mon oie, qui est morte, et donnez-moi votre perdrix, qui est vivante: je la tuerai demain au matin, et elle sera bonne à manger demain au soir.

– Un autre te demanderait du retour; mais, moi, je suis bon compagnon; quoique ma perdrix soit vivante et que ton oie soit morte, je te donne ma perdrix troc pour troc.

Nicolas prit la perdrix, la mit dans son mouchoir, qu'il noua par les quatre coins, et, pressé d'arriver le plus tôt possible, il laissa son compagnon entrer dans une auberge pour y manger son oie, et continua sa route à travers le village.

Au bout du village, il trouva un rémouleur.

Le rémouleur chantait, tout en repassant des couteaux et des ciseaux, le premier couplet d'une chanson que connaissait Nicolas.

Nicolas s'arrêta et se mit à chanter le second couplet.

Le rémouleur chanta le troisième.

– Bon! lui dit Nicolas, du moment que vous êtes gai, c'est que vous étés content.

– Ma foi, oui! répondit le rémouleur; le métier va bien, et, chaque fois que je mets la main à la pierre, il en tombe une pièce d'argent. Mais que portez-vous donc là qui frétille ainsi dans votre cravate?

– C'est une perdrix vivante.

– Ah!.. Où l'avez-vous prise?

– Je ne l'ai pas prise, je l'ai eue en échange d'une oie.

– Et l'oie?

– Je l'avais eue en échange d'un cochon.

– Et le cochon?

– Je l'avais en en échange d'une vache.

– Et la vache?

– Je l'avais eue en échange d'un cheval.

– Et le cheval?

– Je l'avais eu en échange d'un lingot d'or.

– Et ce lingot d'or?

– C'était le prix de mes sept années de service.

– Peste! vous avez toujours su vous tirer d'affaire!

– Oui, jusqu'aujourd'hui, cela a assez bien marché; seulement, une fois rentré chez ma mère, il me faudrait un état dans le genre du vôtre.

– Ah! en effet, c'est un crâne état.

– Est-il bien difficile?

– Vous voyez: il n'y a qu'à faire tourner la meule et en approcher les couteaux ou les ciseaux qu'on veut affûter.

– Oui; mais il faut une pierre.

– Tenez, dit le rémouleur en poussant une vieille meule du pied, en voilà une qui a rapporté plus d'argent qu'elle ne pèse, et cependant elle pèse lourd!

– Et ça coûte cher, n'est-ce pas, une pierre comme celle-là?

– Dame! assez cher, fit le rémouleur; mais, moi, je suis bon garçon: donnez-moi votre perdrix, je vous donnerai ma meule. Ça vous va-t-il?

– Parbleu! est-ce que cela se demande? dit Nicolas; puisque j'aurai de l'argent chaque fois que je mettrai la main à la pierre, de quoi m'inquiéterais-je maintenant?

Et il donna sa perdrix au rémouleur, et prit la vieille meule que l'autre avait mise au rebut.

Puis, la pierre sous le bras, il partit, le coeur plein de joie et les yeux brillants de satisfaction.

– Il faut que je sois né coiffé! se dit Nicolas; je n'ai qu' souhaiter pour que mon souhait soit exaucé!

Cependant, après avoir fait une lieue ou deux, comme il était en marche depuis le point du jour, il commença, alourdi par le poids de la meule, à se sentir très fatigué; la faim aussi le tourmentait, ayant mangé le matin ses provisions de toute la journée, tant sa joie était grande, on se le rappelle, d'avoir troqué sa vache pour un cheval! A la fin, la fatigue prit tellement le dessus, que, de dix pas en dix pas, il était forc de s'arrêter; la meule aussi lui pesait de plus en plus, car elle semblait s'alourdir au fur et à mesure que ses forces diminuaient.

 

Il arriva, eu marchant comme une tortue, au bord d'une fontaine où bouillonnait une eau aussi limpide que le ciel qu'elle reflétait; c'était une source dont on ne voyait pas le fond.

– Allons, s'écria Nicolas, il est dit que j'aurai de la chance jusqu'au bout; au moment où j'allais mourir de soif, voilà une fontaine!

Et, posant sa meule an bord de la source, Nicolas se mit à plat ventre, et but à sa soif pendant cinq minutes.

Mais, en se relevant, le genou lui glissa; il voulut se retenir la meule, et, en se retenant, il poussa la pierre, qui tomba l'eau et disparut dans les profondeurs de la source.

– En vérité! dit Nicolas demeurant un instant à genoux pour prononcer son action de grâce, le bon Dieu est réellement bien bon de m'avoir débarrassé de cette lourde et maussade pierre, sans que j'aie le plus petit reproche à me faire.

Et, allégé de tout fardeau, les mains et les poches vides, mais le coeur joyeux, il reprit, tout courant, le chemin de la maison de sa mère.

FIN
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